mardi 29 juillet 2014

Pionnier - un nouveau ministère ?

Un guide pour explorer les ministères pionniers
L’Église d'Angleterre, dans son entreprise de mettre en place une "économie mixte" de paroisses traditionnelles et de nouvelles formes d'Eglise (les désormais fameuses - au moins sur mon blog - fresh expressions of Church), a créé une nouvelle forme de ministère, le ministère pionnier. C'est un ministère tout-terrain : il peut être laïc ou ordonné, bénévole ou rémunéré, à temps partiel ou à plein temps, et comme il s'adapte à la fresh expression dans laquelle il sert, est protéiforme et très créatif.

Dans exploring pioneer ministry: a short guide, l'Eglise d'Angleterre s'adresse à tous les prêtres anglicans tentés par l'implantation d'une fresh expression et présente sa compréhension du ministère de pionnier, sa place dans la structure de l'Eglise et les formations proposées, les dons requis et les questions à se poser avant de se lancer.

Il met particulièrement l'accent sur trois aspects : l'accent sur la mission, la formation et le discernement.

 - l'accent sur la mission : tout croyant est appelé à participer à la mission de Dieu et cela fait partie du ministère ordonné. Souvent, le ministère pastoral plutôt centré sur la parole et les sacrements, mais il comporte aussi une dimension diaconale et/ou d'évangélisation et une dimension de direction et de supervision (ministère de type episcope). Il est possible de développer un ministère pastoral qui soit plus équilibré entre ces trois dimensions, à condition de le faire en concertation avec ses équipes de travail, par exemple lors d'une évaluation de ministère. Les fresh expressions permettent en effet de développer le ministère de supervision, par la formation, le soutien et l'organisation d'une équipe active sur le terrain, dans le contexte, et le ministère d'évangéliste si le ministre participe lui-même aux activités de la fresh expression.
Le guide liste ensuite les capacités et talents necessaire au ministère de pionnier, et invite à les développer par la formation.

- la formation : c'est justement le 2e point sur lequel le rapport insiste. Initiale (une formation sur un an consistant en 8 soirées, 2 samedi et un week-end de 3 jours, intitulée mission shaped ministry existe dans quasiment chaque diocese), elle sert à la fois de lieu de développement de ses capacités, de découverte du contexte et de premiers essais en situation et de discernement sur le ministère de pionnier. Elle se poursuit ensuite dans des réseaux de formation continue (souvent de la formation réciproque par l'échange de bonnes pratiques et le soutien mutuel face aux difficultés). Tout au long de son ministère, le pionnier est accompagné par un tuteur, qui l'aide à prendre de la distance, analyser sa pratique, qui peut aussi le soutenir dans les temps de doute et de découragement ou lui donner de nouvelles idées.

- le discernement : le guide finit par donner un certain nombre de conseils en matière de discernement, avant de se lancer dans un ministère de pionnier (en particulier avec la liste des capacités) mais aussi avant de se porter candidat ou de confirmer sa nomination à un poste de pionnier. Il propose six questions - derrière lesquelles on sent le poids de l'expérience - à se poser avant d'accepter un poste (on pourrait se les poser avant tout choix de ministère) :
  • La vision d’une nouvelle implantation est-elle partagée, comprise, portée largement dans la paroisse ou le consistoire ? 
  • Le projet est-il clairement centré sur les besoins en termes de mission d’un groupe spécifique de la population ? 
  • Quelles sont les structures de supervision et de soutien prévues ? 
  • Comment la personne embauchée va-t-elle discerner et former une équipe pour mener avec elle le projet, équipe qui sera, la plupart du temps, essentielle pour cette nouvelle initiative ?
  • Quelles sont les attentes de la paroisse ou du consistoire en termes de mise en place ou de résultats à 1 an, à 3 ou 5 ans ?   
  • Quelle est la progression envisagée pour la fresh expression of Church pour qu’elle atteigne sa maturité (qu’elle « s’assume ») ?
Bref, une belle source d'inspiration pour notre réflexion sur l'évangélisation menée au sein de l'Eglise protestante unie de France ! 
Claire Sixt Gateuille

mardi 22 juillet 2014

Fresh expressions of Church


ou comment annoncer l’Évangile à ceux qui n’ont aucun contact avec l’Église ?

La vocation des membres d'Eglise ?
Je travaille cette semaine avec Andy Buckler (mon collègue responsable de la formation et de l’évangélisation) sur des documents venant du Royaume-Uni (Angleterre et Écosse).

Nous avons eu une discussion très intéressante à midi sur les points communs et les différences entre les contextes anglais et français, ainsi que sur ce qu’il pourrait être pertinent de transposer dans notre contexte, en particulier en matière de formation à l’évangélisation.

Contrairement aux anciennes formes d’évangélisation dont le but était d’aller à la rencontre des gens pour ensuite les amener à entrer dans l’Église instituée, le principe des Fresh Expressions of Church est de créer de nouvelles formes d’Églises avec les gens là où ils vivent et de voir comment l’Évangile prend racine dans ces contextes, comment il entre en résonance (ou interpelle) la culture propre de leur(s) communauté(s) de vie et quelle forme d’Église émerge là.

Tout l’enjeu est de proposer l’Évangile à ceux qui n'ont aucun contact avec l’Église, tout en maintenant le lien entre les formes classique de l’Église et ses nouvelles formes. C’est ce que les documents anglais appellent « l’économie mixte », c’est-à-dire la coexistence et la fécondation réciproque entre les formes d’Église classiques et les fresh expressions. Cette fécondation mutuelle se fait à travers la dynamique d’évangélisation.

Aujourd’hui, les fresh expressions se multiplient au Royaume-Uni, jusqu’à représenter 15% des personnes qui participent aux célébrations de l’Église d’Angleterre (l’Église anglicane).
Elles se basent sur :
  •  La « double-écoute » : à la fois de la Bible et de la culture d’Église (les anglicans disent la tradition) et à la fois les cultures présentes dans la société actuelle.
  • Un ministère de « pionnier ». Les pionniers peuvent être laïcs ou ordonnés, ils animent et/ou dirigent une fresh expression, de façon bénévole ou rémunérée selon les situations ; ils sont formés « en contexte » (après quelques séances de sensibilisation, ils sont formés pendant 1 an à temps partiel tout en agissant sur le terrain, puis restent membres d’un réseau de formation continue et de partage d’expériences) et sont reconnus par l’Église (avec une évaluation régulière tous les 3 ans en moyenne).
  • Une grande souplesse d’organisation et l’absence de modèle, car chaque contexte génère son propre modèle, sa propre inculturation de l’Evangile qui produit une forme propre de communauté chrétienne. Le critère d’évaluation de celle-ci est sa fidélité aux 4 marques de l’Église (unicité, sainteté, catholicité et apostolicité) mais de façon très créative. Dans cette logique, le ministère pionnier prend une très grande diversité de formes.
  • L’encouragement au discernement des vocations dans toutes sortes de communautés et sous toutes sortes de formes.
  • L’économie mixte, dont j’ai parlé plus haut.
Mission-shaped Ministry : formation de Pionniers
Le procédé proposé pour former les pionniers en situation et pour les aider au discernement nous semble particulièrement intéressant. Pourrions-nous proposer une formation à l’évangélisation qui se nourrisse de ce modèle anglo-saxon ? Pourrions-nous imaginer dans notre Église une forme de ministère de pionnier ? En tout cas, nous y réfléchissons…
D’autres Églises y travaillent aussi : en Allemagne, au Pays-Bas, en Suisse…

Pour aller plus loin (en anglais) :
-          Le site des Fresh expressions of Church : http://www.freshexpressions.org.uk/
-          Le site de ressources pour la mission de l’Église d’Ecosse : https://www.resourcingmission.org.uk/resources/emerging-church
Claire Sixt Gateuille

mercredi 16 juillet 2014

Comité central du COE : pélerinage pour la justice et la paix

Pendant que j'étais à Strasbourg, Laurent Schlumberger était à Genève pour le Comité central du Conseil oecuménique des Eglises. Il nous en propose des échos sur le site de l'EPUdF. Je vous livre ici quelques extraits de ses impressions personnelles : 
Comité central, (c) Peter Williams pour le COE
"Une réunion du Comité central offre une réduction, un condensé du foisonnement vécu lors de l’Assemblée. Les membres du Comité viennent du monde entier et sont représentatifs de l’ensemble des familles confessionnelles réunies au sein du COE. On retrouve donc, atténuée mais bien réelle tout de même, l’extraordinaire diversité des langues, des styles, des préoccupations, des liturgies, des vêtements, des titres, des visages, qui vient percuter les routines de chacun et y mettre du jeu." (...)

"Dans cette sorte de huis clos qu’est une réunion du Comité central du Conseil œcuménique des Eglises, on sent à chaque instant la longue expérience de la pédagogie inter-culturelle qui est celle du COE, depuis la qualité des traductions simultanées en plénière jusqu’à la procédure de décision par consensus, en passant par la composition – pesée au trébuchet – des groupes de travail. Pour toutes celles et ceux qui sont là, la conscience de l’unité du corps du Christ est une évidence, quotidiennement reçue mais à cultiver avec ténacité.
On ne repart donc pas d’une telle session sans avoir été touché, déplacé, changé, à commencer par les cultes communs et les études bibliques partagées. Cette expérience est sans doute le plus important de ce que le COE peut apporter à ses Eglises membres, par le biais des participants à ses Assemblées et à ses divers organes. Mais c’est aussi le plus difficile à partager." (...)

Comité central (c) Peter Williams pour le COE
"« Pèlerinage de justice et de paix ». C’est le mot d’ordre, d’ici la prochaine assemblée, dans huit ans. Il fut répété à l’envi et sur tous les tons tout au long de cette session. Le mot pèlerinage peut évoquer, en particulier selon les traditions confessionnelles, des réalités bien différentes. Le Comité central a donc renoncé à en énoncer une stricte définition. L’idée est d’avancer ensemble." (...)
"Quel est le but de ce pèlerinage ? Le Comité central, comme l’assemblée avant lui, est resté remarquablement imprécis. J’en éprouve un grand regret. Ce flou me semble significatif d’une faiblesse dans la visée politique du Conseil œcuménique des Églises.
Toutefois, ce pèlerinage est précisé comme étant un pèlerinage de justice et de paix. Non pas seulement en vue de, ou pour la justice et la paix, mais comme marqué en lui-même par cette préoccupation. S’appuyant notamment sur Ephésiens 4.3 (« Appliquez-vous à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ») et sur Ps 85.11 (« Justice et paix s’embrassent »), le COE s’efforce de tenir ensemble unité de l’Eglise, unité de l’humanité et unité de la création, pour mieux répondre à sa vocation de témoignage et de service.

Comité central, (c) Peter Williams pour le COE
On se réjouira en notant, par exemple, une importance plus grande accordée à la préoccupation théologique : c’était l’une des demandes exprimées par la délégation française à l’assemblée de Busan. On restera songeur, en pensant que qui trop embrasse mal étreint et que l’on a connu plus clair en termes  d'objectifs." (...)

"Surtout, la préoccupation très simple et fondamentale de l’annonce de l’Evangile est totalement absente de ces orientations. Tout se passe comme si l’annonce de la Bonne nouvelle ne faisait pas partie de la mission des Eglises réunies dans le COE. Parce que les contextes sont trop différents ? Parce que la reformulation de ce message aujourd’hui ferait apparaître des débats trop vifs ? (On trouvera ci-dessous le texte d’une intervention en plénière à ce sujet.)

Voilà qui me semble placer, dans ce domaine tout au moins, le COE assez loin de nos propres priorités d’Eglise qui, en contexte de très forte sécularisation, cherche à être « une Eglise de témoins », y compris par la réappropriation et le partage explicite d’un message évangélique méconnu, recherché et dont la pertinence ne se dément pas."


Laurent SCHLUMBERGER
Eglise protestante unie de France
Membre du Comité central du COE