jeudi 26 février 2015

Face aux miracles, ou l'apprentissage du pluralisme

« Le soir, après le coucher du soleil, les gens amènent à Jésus tous les malades et tous ceux qui ont des esprits mauvais. » Marc 1.32

Vous connaissez l’histoire de l’éléphant et des six aveugles ?
6 aveugles vont voir un éléphant. L’un touche le flanc et se dit : « Les éléphants ressemblent à un mur » ; le deuxième touche une défense et s’exclame « Les éléphants sont comme des lances ! » ; la trompe de l’éléphant se pose sur l’épaule du troisième qui affirme : « l’éléphant est comme un serpent ! » ; le quatrième touche une patte et en conclut qu’un éléphant s’apparente à un arbre ; le cinquième se retrouve à côté de l’oreille et en déduit que les éléphants sont tout simplement des éventails… le sixième touche la queue et dit aux autres qu’un éléphant est semblable à une corde. Ils se disputent longuement, chacun défendant sa vision de l’éléphant.
(c) Bervely Joubert, site du National Geographic
Ce qui m’a toujours frappé chez les aveugles de ce conte indien, c’est qu’ils ne cherchent pas à aller plus loin que leur première impression ! Après avoir constaté leur désaccord, ils auraient pu essayer de s’approcher plus de l’éléphant, l’explorer plus, découvrir ses différentes facettes, se mettre à la place des autres pour comprendre pourquoi ils affirment ce qu’ils affirment. Mais non, ils en restent à leur première impression et discutent longuement, non seulement sans jamais se mettre d’accord mais sans jamais chercher à comprendre l’autre…

Jésus, dans notre texte de l’Evangile, se retrouve lui aussi dans la situation de l’éléphant : les gens de Capernaüm s’aperçoivent qu’il pratique des guérisons, qu’il libère les malades de leur mal, et aussitôt, ils ne veulent plus savoir de lui que cela… Les dons de guérisseurs dont il témoigne, et qui ne sont qu’un signe de l’autorité que Dieu lui a donnée, deviennent vite sa « carte de visite », la base de sa notoriété, et finissent par le définir au lieu de rester un signe d’autre chose de plus grand. Il doit alors s’en libérer en partant de Capernaüm pour se rendre dans les autres villages de la Galilée.

l'Evangile libère
La libération par l’Evangile, dont témoignent ces textes de guérison, est comme cet éléphant que chacun voit d’une manière différente. Mon expérience de foi, les barrières que le Christ a fait tomber en moi ne sont pas les mêmes que les tiennes ; et la blessure qu’il a guérie chez moi n’est pas la même que la tienne. Si nous témoignions de la libération que Jésus a accomplie dans nos vies, chacun de nous aurait un récit différent, tellement différent parfois que nous serions comme ces aveugles qui n’arrivent pas à s’accorder sur ce qu’est un éléphant…

Ce texte de Marc 1 est un appel à abandonner toute approche magique ou « utilitariste » des miracles, de la foi ou de Jésus. Jésus fuit ceux qui réclament toujours plus de miracles ! Et pourtant, il guérit les malades… Cela pourrait sembler paradoxal. D’un autre côté, la Bible avec tous ses récits de miracle nous appelle à ne pas les « évacuer », comme l’ont fait un peu trop vite les philosophes des lumières. Car ils sont signe que Dieu intervient vraiment, pas seulement dans une sorte d’auto-persuasion, mais dans une interruption du quotidien (que les grecs appelaient Kairos), d’une façon qui peut réellement changer la vie. Les miracles sont le signe que Dieu peut ouvrir les horizons qui nous semblaient bouchés, nous libérer des fatalités, ouvrir de nouvelles perspectives…

Croire ou ne pas croire à "la réalité" des miracles
C’est souvent difficile de parler des miracles dans les communautés multiculturelles, car c’est un thème qui oppose les rationalistes et les autres, les conservateurs et les libéraux, ceux qui croient aux « Esprits » et ceux qui n’y croient pas, bref, c’est un sujet clivant, presque autant que le mariage gay ! A la différence près que les miracles ne sont pas un sujet très à la mode pour les débats de société, donc on peut soigneusement les éviter….

Mais il est dommage d’éviter certains sujets sous prétexte qu’ils pourraient fâcher. Chercher à être disciples du Christ, c’est apprendre à écouter et à valoriser ce que l’autre a à dire, car il peut nous témoigner du Christ et nous en faire découvrir de nouvelles facettes. Nous ne venons pas au culte pour y trouver un discours qui nous berce et nous conforte dans nos certitudes, nous y venons pour apprendre à toujours mieux suivre le Christ. Et parfois, pour cela, il nous faut être déplacés par une autre façon de voir les choses, un autre discours, d’autres expériences.

Je crois que Dieu nous parle par le langage que nous pouvons comprendre ; c’est un langage différent pour chacun ! Lui parle tous les langages, mais pas nous. Cela explique que parfois nous ne comprenions pas, mais cela ne nous dispense pas d’essayer !

Claire Sixt Gateuille
(extraits de la prédication du 8 février 2015 à Luxembourg)

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